Joëlle Dollé a développé cette série de portraits en studio pendant 4 années avec son entourage puis avec des personnalités. Chaque personne est mise en scène avec un légume, connu ou moins connu, oublié, adoré ou mal aimé. De petits textes savoureux de Christophe Opec nous rappellent ou nous apprennent l’histoire et les origines des légumes. Michel Onfray inspiré par l’esprit des photographies a introduit le travail de Joëlle Dollé.
« On a perdu le lien au vivant. On ne sait plus ce que sont les légumes, d’où ils viennent, quel goût ils ont, comment ils poussent. Derrière le côté ludique et léger des photos et de leurs légendes, je tente de renouer avec ce lien, d’évoquer le respect de l’environnement et notre rapport vital à la terre. Rétablir le dialogue entre l’homme et la plante, tant au niveau de l’alimentation que de la culture et de l’histoire. Il s’agit de réinscrire l’homme dans la nature, et inversement.»
Extrait de l’interview de Joëlle Dollé par Camille Labro, M Le magazine du Monde, du 29 septembre 2012
C’est en recevant les paniers « bio » que j’ai vu pour la première fois un salsifis ! Je n’avais jamais vu de citronnelle, jamais mangé de topinambours, jamais cuisiné les fanes des carottes... Mon manque de culture était assez impressionnant ! J’ai pensé que tous ces légumes méritaient d’être
re-connus. J’ai eu l’envie d’apporter un nouveau regard sur ces légumes qui font partie de notre quotidien. Je me suis prise au jeu de les photographier en tant que « natures vivantes ».
Dans ma démarche photographique, je souhaite montrer l’harmonie présente en chaque être humain à travers sa personnalité et son unité avec la Nature. Chaque photographie est une mise en scène qui se crée tout naturellement entre la personne, le légume, la lumière et moi. J’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir cette alchimie.
J’ai développé cette série avec mes amis, mes voisins, ma famille, puis avec des personnalités dont certaines sont impliquées dans la culture des légumes, leur transformation ou défendent des valeurs éthiques et environnementales.
Avec Christophe Opec, nous avons choisi les informations qui nous amusaient ou nous intéressaient. La recherche de celles-ci a été réalisée indépendamment des prises de vues. C’est donc de façon inattendue que certains liens sont apparus. Nous n’avons évidemment pas visé à présenter l’exhaustivité des légumes. Cela s’est déroulé au fil des saisons de façon aléatoire.
Joëlle Dollé
Nous avons opté pour la définition large du mot « légume » dans le TLF (Trésor de la Langue Française) : « Plante potagère dont une partie au moins (racine, bulbe, tige, feuille, fleur, graine, fruit) est utilisée pour l’alimentation humaine. »
L’histoire du légume est solidaire de l’histoire de l’humanité. On retrouve les thématiques de l’acclimatation et de la culture agraire. Premier médicament, l’ensemble des légumes est source, entre autres, de vitamines et d’oligoéléments. Ce n’est cependant pas un légume miracle ou sa version encapsulée qui guérira le monde, mais la diversité, tant par les espèces que les variétés mangées qui permettent de rester en bonne santé.
La force symbolique qui accompagne le légume est extraordinaire. On le retrouve dans les coutumes et les proverbes. Il revêt aussi les couleurs des religions et des croyances. Il est politique, car synonyme de puissance par les mets les plus chers, les plus éloignés, les plus fins et ceux qui mettent au
défi les saisons et le temps. La diversité des espèces végétales présentes dans les assiettes est issue de tous les continents de notre planète. Elle a été permise par les migrations humaines, avec les routes commerciales qui ont sillonné les terres puis les océans. Le légume s’invite dans l’industrie humaine, l’habitat. Il est vecteur de recherche scientifique, de la botanique à la génétique en passant par les mathématiques.
On peut rendre hommage à tous les jardiniers qui développent et conservent des variétés locales depuis que l’homme s’est sédentarisé. Le potager porte les valeurs de la terre, de la solidarité, de la protection nécessaire de l’environnement puisque ses jardiniers ont la conscience visible que la terre nous nourrit. Humains conscients de cet héritage, notre responsabilité est de le sauvegarder et de le faire fructifier.
Christophe Opec